D'après l'APF 2011, les blessés médullaires étaient 50 000 en 2011 soit à raison de 1200 nouveaux cas par an plus de 60 000 en 2019.
Les parésies représentent 31% des lésions médullaires APF 2011
PARTI PRIS REEDUCATIF
1. Réhabilitation Posturo-Segmentaire Par Petites Marches.
« Donnez-moi un point fixe et je soulève la terre » -Archimède-
Notre rééducation s’appuie à la fois sur ce postulat d’Archimède et sur le développement locomoteur de l’enfant qui part d’un polygone large et d’un centre de gravité bas. L’enfant réagit aux appuis et par poussées successives sur ses mains développe ses leviers membres supérieurs et parvient peu à peu à maintenir sa ceinture scapulaire en équilibre sur ses avant-bras. Puis il tendra les coudes (phoque) puis passera à quatre pattes et placera sa ceinture pelvienne en équilibre etc… Le mouvement nait du point fixe et du polygone. [i][ii] L’attention est focalisée sur la cible (attention externe) et non sur le corps (attention interne)[iii]. Les membres ont quatre fois plus de nerfs afférents qu’efférents. Avant de se servir de ses mains en chaîne ouverte, il apprend à se positionner en équilibre sur un polygone. On essaie donc de pallier aux appuis déficitaires par des orthèses afin de reconstituer le polygone de sustentation et redonner les sensations d’appuis et d’équilibre au corps. On reprend le modèle du développement locomoteur de l’enfant car on part de situations d’équilibres faciles, polygones large et centre de gravité bas. Il faut que la personne soit en sécurité pour prendre le risque de connecter les segments au tronc en sphinx, phoque, quatre pattes etc…
2. Le recueil de capacités restantes améliorables
Pour les personnes avec para ou tétraplégie incomplète une fois le diagnostic médical posé, il va falloir établir le bilan de motricité résiduelle. Mais, le bilan de motricité analytique résiduelle ne nous donnera pas d’indication par rapport aux capacités motrices résiduelles. De même qu’une musculation analytique, utilisant les leviers de la machine à muscler ne créera pas de synapses utiles à la tenue de l’équilibre. Il faut donc retrouver les schémas positionnels faisables et en faire le recueil exhaustif: se retourner, s’asseoir, passer à 4 pattes, se relever du sol en s’accrochant, sans s’accrocher, tenir, debout pieds écartés, pieds l’un devant l’autre sur polygone de marche, sur un pied, sauter à pieds joints, à cloche pied etc… Partant du corpus de Kabat, Brunstrom, Bobath, Lemetayer, j'ai consigné tout au long de ma carrière les stratégies utilisées par les patients pour réussir. Certaines plaques motrices sont peut-être sidérées par une non utilisation prolongée, peut-être y aura-t-il aussi des phénomènes vicariants recrutant des neurones intacts. On note consciencieusement les capacités acquises et les capacités amorcées.
Le premier principe est de découper une tâche impossible en sous tâches possibles répétables. Ce recueil de capacités peut durer cinq heures. Actuellement il comporte 700 items, mais on peut trouver encore des items intermédiaires pour certains patients. Une fois ce recueil effectué, il faut choisir parmi toutes les capacités amorcées celles que l’on juge prochainement accessibles. Il ne faudra pas hésiter à modifier les items dès s’ils s’avèrent trop faciles ou trop durs. Si la consigne est trop facile le patient n’apprend rien. Si elle est trop dure, il n’apprend rien non plus . (8ème principe de rééducation p.84 Sultana et Mesure -2008)[iv]
L'acquisition d'une posture se déroule en trois phases :
- Initiation
- Perfectionnement
- Expertise (Sultana et Mesure -2008)[1]
A chaque fois, on s’appuiera sur la connaissance du résultat[v] et la répétition[vi]
Ce recueil de capacités restantes améliorables est directement corrélé à l’adaptabilité de l’espace qui accueille le parétique.
3. L’Aménagement Matériel du Milieu (AMM)[3] et la cage qui libère: servomotricité.
La cage qui libère
« Modification du milieu physique dans lequel se déroule la tâche par une construction matérielle visant à induire un type de comportement pour concrétiser toutes ou parties des phases du geste. » (Famose Hébrard 1979) [vii]
Lorsque la tâche est trop difficile pour la personne parétique, il s’agit de lui offrir l’aide matérielle spécifique pour qu’elle s’en empare et auto-construise son équilibre par des mécanismes implicites. Dans la phase d’initiation il faut avoir une grande souplesse didactique et pédagogique. Famose et Hébrard avaient remarqué que le groupe d’enfants qui apprenait par explication et démonstration de l’expert moniteur apprenait moins vite que le groupe qui apprenait par auto-organisation[viii] du groupe de néophytes. Dès que l’on aborde une position nouvelle, il faut que le kinésithérapeute se transforme en Mac Gyver pour créer l’espace favorable à l’éclosion de cette position.
Nous avons créé une cage d’espaliers qui permet d’improviser n’importe quelle position pour n’importe quel patient parétique, ataxique ou extra-pyramidal. Nous l’appelons "cage qui libère", car elle libère le kiné de la nécessité de prévenir de ses bras la chute de la patiente. Elle libère la patiente de la peur de tomber.
Sur une cohorte de 354 patients neuro, nous avons montré que périmètre et vitesse de marche sont fortement corrélés au nombre de positions acquises (0,88 p=0,0001)[2]. Plus on a de postures et de transferts entre 2 postures et meilleure sera la marche ou vice-versa. La corrélation ne dit pas que d'avoir beaucoup de posture améliore la marche, elle dit que les deux éléments sont liés. Obligation de moyens, on doit travailler les deux.
4. L' évaluation des capacités
L’évaluation sert à la connaissance du résultat par le patient et le kiné pour la motivation de chacun des deux.
Le test critérié:
"Donner une information sur la performance d’un patient en relation à un ensemble d’objectifs à atteindre sans s’occuper des résultats obtenus par d’autres sujets."
"Le test critérié permet de diagnostiquer la maîtrise d’un comportement particulier chez un apprenant." [3]
(0)=Si la posture n’est pas réalisée seul.
(A)=Si elle est amorcée par le patient. Ces deux points sont notés en rouge et ne rapportent pas de point. Les A révèlent au kiné les points gagnables.
(X)=Lorsque l’item est réalisé plusieurs fois de suite par le patient seul. Au sein de l’atelier de positions, on fait ensuite le total des croix vertes qui donnent un score par position. Les X introduisent un challenge autour du score par atelier.
Si le patient n’a pas les moyens cognitifs de comprendre ce challenge, ce score influencera au moins le kiné.
Au sein de chaque position il y a une progression pédagogique des difficultés :
1 Polygone fixe 1.1 Tenir la position Comptez les secondes à haute voix.
1.2 Osciller sur cette position d’Avant en Arrière et de Droite à Gauche, Tangage, Roulis, Plier, Tendre
Les habiletés posturales sur polygone fixe sont notées dans des cases à fond blanc.
2. Quitter la position 2.1 Descendre à droite 2.2 Remonter de droite (idem à gauche en avant en arrière)
Les descentes au sol et remontées par le même chemin sont sur fond gris
3 Se Déplacer. 3.1 faire 1 tour à Droite, 1 tour à Gauche. 3.2 Se déplacer en Avant, Arrière, droite et Gauche sur 1, 2 ou 10 mètres suivant les positions. Les déplacements et demi-tour sont sur fond jaune
Le diagnostic médical de lésion incomplète de la moelle doit être affiné par le diagnostic kiné.
Il est des lésions incomplètes dont les capacités fonctionnelles sont identiques à des lésions complètes (tableau ci joint les personnes N°1 et 2 ont la possibilité d'actionner leurs membres inférieurs et le tronc mais dans des mouvements si faibles qu'ils ne débouchent pas sur une maîtrise de l'espace. Fonctionnellement ils sont comme des tétraplégiques complets). En revanche, les deux personnes N°14 et 15 sont des tétraparétiques qui marchent 1 km à 5 km/h, parce que dans leur malheur, la lésion a épargné un nombre suffisant de neurones qui entrainés ont réussi à le faire marcher.
Il est important que le kinésithérapeute fasse un diagnostic précis
pour développer à 100% du possible les capacités restantes.
Toutes les méthodes de renforcement améliorent les capacités motrices des blessés médullaires incomplets. Elles ne déclenchent pas de retour de motricité sur les blessés médullaires complets.
La méthode Dikull repose sur la confusion des mots et des maux:
paraplégie ou paraparésie, tétraplégie ou tétraparésie. En fait sur la différence entre lésion complète de la moelle, et lésion incomplète de la moelle.
Auquel cas, il faut alors mettre en place un programme spécifique pour cette personne car chaque tétra ou pararétique est UNIQUE. (Déjà, dans les lésions complètes de la moelle, chaque tétra plégique est unique, car la lésion n'est jamais bien horizontale, ni bien symétrique, mais néanmoins on arrive à retrouver des problématiques communes.) Alors que chez les personnes médullaires incomplets, chaque lésion incomplète produit un modèle spécifique.
-certains avec très peu de neurones résiduels, peuvent remuer les pieds ou les jambes mais sans jamais réussir à se mettre debout face à l'espalier et retrouver le transfert seul.
- alors que d'autres réussisent à se mettre debout, mais pas à marcher dans les parallèles
- d'autres découvrent la marche au rollator,
- d'autres parviennent à se déplacer avec 2 cannes,
- avec une canne
- d'autres sans canne
- certains même retrouvent la course
Ce qui est alors passionnant avec les parétiques médullaires qui le souhaitent, c'est de découvrir pas à pas avec eux la zone d'amélioration et de ne pas arréter tant que les capacités s'améliorent.
Ce qui est intéressant c'est la façon dont est traîtée l'information.
"les médecins avaient dit que je ne remarcherai pas!"Un classique! Quasiment tous les patients transportés aux urgence paralysés par un accident racontent la même histoire: les médecins ont dit que je ne remarcherai pas! En fait les familles se précipitant aux urgences veulent entendre une réponse à la question:
est-ce qu'il va remarcher?
Si la lésion est complète, les médecins peuvent répondre par la négative!
Si la lésion est incomplète ils ne peuvent pas répondre par l'affirmative!
Cela deviendra dans la "mythologie familiale" : ils ont dit que je ne marcherai pas!
Dikul est un trapéziste russe tombé de 13 mètres,
"Tétraplégique? Probablement pas! Tétraparétique ? Ou simplement "sidéré". Toute agression de la moelle épinière débute par un choc spinal: un blocage complet de la motricité qui se lève spontanément dans les jours suivants. Ce n'est qu'après la levée de cette sidération neurologique, que l'on peut faire un bilan objectif de motricité résiduelle dans les cas de lésion incomplète. Ce qui est surprenant dans le cas de Dikul c'est qu'il semble dans le film remarcher sans signes pyramidaux. (On le voit soulever une voiture et faire quelques pas de course pour saluer le public) Or il aurait fait ses premiers pas dit-il 5 ans après la lésion? La phase de sidération aurait duré 5 ans? On est alors bien au delà de la sidération neurologique qui ne dure que quelques jours! S'agirait-il d'une sidération psychologique? (Certains patients après un accident se sentent paraplégiques, vivent en fauteuil roulant , pratiquent du handisport pendant des années sans aucune lésion objectivée par l'IRM). Quoiqu'il en soit, il met au point une méthode de rééducation intensive pour les blessés médullaires.
Principe:"utiliser ce qui reste". (Comme toutes les méthodes de kiné actuelles).
Toutes les méthodes de renforcement améliorent les capacités motrices des blessés médullaires incomplets. Elles ne déclenchent pas de retour de motricité sur les blessés médullaires complets.
Mais il arrive aussi que des blessés incomplets aient été pris pour des blessés médullaires complets,
si les kinés n'ont pas fait un examen postural rigoureux. Le bilan analytique est toujours fait méticuleusement, mais il est moins important que le bilan postural. Par exemple, à plat dos, on lui demande de passer à 4 pattes, le patient va avoir recours à son auto-organisation propre pour acquérir et tenir la position demandée. Là, vont se révéler ses capacités réelles qu'on va déceler et tenter ensuite de perfectionner par la répétition.
D'autres part, certains blessés médullaires incomplets ont été traités comme des complets parce que médecins et kiné ont jugé que le reliquat de motricité ne leur permettrait pas un gain fonctionnel.
Ils font un pronostic fonctionnel négatif. Dikull ne s'embarrasse pas de ces considérations et prend le désir du patient au pied de la lettre. "Tu bouges un peu, on va chercher à améliorer ce mouvement au 100% du possible"
Certains pensent que c'est de la démagogie. Moi, je pense qu'il faut "laisser le patient venir à sa vérité!" -Abiven- ETUDES PSYCHOTHERAPIQUES, Vol 13, 1996, pages 39-50, 6 réf., BEL
Face à un paraparétique le kiné n'a pas à se demander jusqu'où ça va aller? On ne lui demande pas de faire des prédictions. Il est là pour améliorer les fonctions locomotrices du patient. Donc on le paye pour mettre en place un programme de renforcement progressif et l'on fait un bilan 6 mois plus tard. Si ça s'améliore on continue. Si ça stagne, mais que le patient veut continuer, on continue quand même. C'est sa vie, son temps, son énergie, son choix. On n'est pas payé pour faire faire des économies à la sécu! On est payé pour soigner les gens: thérapein en grec: s'occuper d'eux. Que chacun fasse son travail,Le kiné fait son travail en donnant des éléents physiques au patient, le patient fait son"travail" de deuil, si la sécu juge que 5 séances par semaine c'est trop à ce stade et réduit à une, la sécu fait son travail. Ce n'est pas au kiné de dire au patient, mainteant ça suffit, tu dois faire ton deuil et passer à une kiné d'entretien.
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